jeudi 26 mai 2016

Être ici est une splendeur de Marie Darrieussecq

Paula Modersohn-Becker voulait peindre et c’est tout. Elle était amie avec Rilke. Elle n’aimait pas tellement être mariée. Elle aimait le riz au lait, la compote de pommes, marcher dans la lande, Gauguin, Cézanne, les bains de mer, être nue au soleil, lire plutôt que gagner sa vie, et Paris. Elle voulait peut-être un enfant - sur ce point ses journaux et ses lettres sont ambigus. Elle a existé en vrai, de 1876 à 1907. 



Peu après avoir rendu visite au Douanier Rousseau je prenais le chemin de la librairie du musée d’Orsay. Je fus immédiatement attiré par ce visage énigmatique et tendre. Je n'ai pas encore lu Marie Darrieussecq et ne connais pas Paula Modersohn-Beckeret, il ne m'aura fallu que quelques phrases pour que Paula reparte avec moi.  
" Rencontrer une femme, c’est pour Rilke un voyage dans l’étrange. Il décolle, comme un aéroplane. Il est pris par quelque chose de plus grand que lui - le ciel, la beauté. II chute vers le haut. »

Un livre passionnant, pour raconter, nous raconter la vie courte, intense, fulgurante de Paula.  Une courte existence de joies, de peines, d’amours et de persévérance.  Être ici est une splendeur est bien plus qu’une biographie, c’est un hymne à la femme,  à cette femme qui posera son regard de femme  à  travers la peinture sur la femme, la maternité et des portraits d’enfants.
Marie Darrieussecq par petites touches, à travers  des extraits de lettres, de journaux intimes, de phrases courtes, de réflexions  nous dévoile l’existence de cette artiste. Une femme artiste qui peint ce qu'elle voit.
Au premier abord la lecture est un peu déroutante, surprenante dans le rythme, mais au final elle est fulgurante. 

"Les femmes n'ont pas de nom. Elles ont un prénom. Leur nom est un prêt transitoire, un signe instable, leur éphémère. Elles trouvent d'autre repères. Leur affirmation au monde, leur être là, leur création, leur signature, en sont déterminés. Elle s'inventent dans un monde d'homme, par effraction.

Paula achèvera sa vie à de 31 ans  en prononçant  un seul mot  Schalde ! (Dommage), née à Brême, elle aura fait de nombreux séjour à Paris   et  il faudra attendre 2016 pour que la capitale lui rende hommage  au Musée d'art moderne de la ville de ParisPaula Modersohn-Becker L’intensité d’un regard du 8 avril au 21 août 2016.



Être ici est une splendeur de Marie Darrieussecq chez P.O.L éditeur 15€


mercredi 18 mai 2016

Au paradis des manuscrits refusés de Irving Finkel

La Bibliothèque des Refusés est un établissement des plus singuliers : elle recueille – plus encore, elle sauvegarde – tout texte ayant essuyé refus sur refus de la part des éditeurs. Littérature, poésie, mémoires, récits épistolaires… tous les écrits trouvent leur place sur les étagères de la Bibliothèque des Refusés. L’arrivée impromptue d’une insupportable bibliothécaire américaine, l’imposture d’une actrice se faisant passer pour une étudiante dans l’idée de voler des idées pour son prochain film, la menace de cambrioleurs convaincus de trouver là le gros lot, sans compter l’irruption de nombreux aspirants écrivains… autant de mésaventures qui viennent perturber l’ordre tranquille de la Bibliothèque.


Alors que le dernier livre de David Foenkinos, le Mystère Henri Pick était présent sur toutes les ondes, dans les colonnes de journaux et sur ma liste à lire. Voilà que sur la table d’un libraire, je découvre à ses côtés comme pour faire écho Au Paradis des manuscrits refusés.
La Bibliothèque des manuscrits refusés est un lieu étrange. Pour être admis, il faut bien évidement que son manuscrit ait été refusé, mais il doit être obligatoirement être accompagné d’une lettre motivant le refus.
"Cher Monsieur,
En dépit des quarante-sept rudes années que je viens de passer dans l'édition, je ne parviens pas à comprendre comment quelqu'un peut oser écrire un manuscrit tel que celui que vous nous avez envoyé. C'est peu de dire que cela relève d'un scandaleux gâchis de papier dactylographié.
Vous êtes, monsieur, un affront vivant à tous les arbres qui poussent sur cette planète."

Le ton est donné! La bibliothèque est administrée par le bon Docteur Patience, lui-même entouré par une armé de bibliothécaires et conservateurs tous aussi loufoques les uns que les autres, typiquement  So British et prêts à tout pour défendre l’institution. 
C'est une histoire sympathique qui prête souvent à sourire, une succession de saynètes, de situations cocasses, de dialogues fulgurants bourrés d’humour qui donne du rythme à l’histoire. On y croise une insupportable spécialiste des "poissons d'argents" venue en stage, des cambrioleurs manquant de jugeotes et quelques écrivains en manques d'inspirations. Des visiteurs devenus une menace au point de devoir rédiger un guide du visiteur inopportun.
Au paradis des manuscrits refusés un livre pour passer de bons moments ! 
Irving Finkel réussi à nous plonger au cœur de cette bibliothèque et à être les témoins de l'espièglerie de ses personnages. C’est une lecture pour retrouver le sourire, qui ne restera peut-être pas en mémoire.


Au paradis des manuscrits refusés de Irving Finkel Traduit par Olivier Lebleu chez JCLattes 19 €

dimanche 15 mai 2016

L’arbre qui donna le bois dont on fit Pinocchio de Jean-Marie GOURIO

Giacomo, fils de menuisier, n'a connu depuis l'enfance que l'univers des jouets fabriqués par son père. Pour sauver l'entreprise familiale, il décide de se rendre dans le petit village de Collodi, en Toscane, ou se trouverait l'arbre magique dont on fit Pinocchio. Une fois sur place, tout l'enchante : l'Italie, sa langue, son vin, ses femmes... Mais doit-il se fier au mystérieux inconnu qui lui promet de lui révéler son secret ? Et ce trésor qu'il convoite tant, existe-t-il vraiment ?

Jean-Marie GOURIO bien connu pour ses brèves de comptoir signe là un conte, une fantaisie, il nous plonge dans une histoire qui nous a fait grandir. C’est un conte presque épistolaire. Giacomo, fils de menuisier, échange par mail avec ses parents, il échange sur son voyage en Toscane à recherche Valdinievole, l'homme qui détient le secret, l'homme qui sait où trouver l'arbre dont on a fait le Pinocchio.  
Difficile de raconter cette histoire tant elle est touchante, tant elle rappelle de souvenirs. 
Notre héros déambule dans les rue de Collodi la ville où l'on peut visiter  le "Parco di Pinocchio" au fil des jours  il semble s’identifier à la véritable histoire. Lorsqu'il rencontre enfin  Valdinievole la conversation à peine achevée, celui-ci  disparait aussi vite qu'un fantôme. Une autre fois au hasard d'une rue, il fait une drôle de rencontre... " Un de ses compagnons a bondi, petit, la moustache hérissée, il marchait comme un chat, jusqu’à se placer à ma droite, lui m'a aussitôt pris par l’épaule et m'a parlé doucement à l'oreille en ronronnant " . Cette Histoire le hante, l'empêche de dormir.

Cet arbre existe-t-il vraiment? Sauvera t’il l'entreprise familiale? Giacomo tombe dans la croyance, plus il croit en son histoire plus il croit en la vie. C’est un conte poétique, une histoire de gens qui s'aiment. Et il y a la belle serveuse,  envoûtante, enchanteresse, un ange, une colombine , Guilietta et son enfant ...
"Je suis parti seul [...] me voila de retour avec une famille . [...] j'avais raison de croire. Toujours."  
C'est une lecture étrange, il faut parfois revenir quelques pages en arrière, retomber en enfance. Une histoire fantaisiste. La vie, l'amour en toile de fond...


La collection Papillon de chez Julliard s'enrichira dès Octobre de L’interview d'une vache et scandale au palais du même Jean-Marie GOURIO


L’arbre qui donna le bois dont on fit Pinocchio de Jean-Marie GOURIO 
Chez Éditions Julliard 14€

mercredi 11 mai 2016

La cuisine totalitaire de wladimir et olga kaminer

N'allons pas croire que les Russes ne mangent que du caviar ! Bien au contraire, en Russie, le véritable symbole du luxe et d'un art de vie distingué, c'est l'ananas. Voilà un bel exemple de notre inculture quant à l'art culinaire de l'ex-U.R.S.S. Grâce à Wladimir Kaminer cette période est tout à fait révolue. " Pour organiser un dîner russe chez soi : il suffit d'acheter beaucoup d'alcool, des cornichons, d'appeler ses amis...


Wladimir et Olga kaminer nous emmènent dans un drôle de voyage. Direction les pays de l' Est,  de l’Arménie au Tartarstan et passant par la Sibérie, la Lettonie, l'Ouzbekistan... C'est à la fois un livre d’anecdotes décapantes, un livre de recettes, un livre d'histoire, une plongée gustative dans le  monde des soviets. Vladimir et Olga kaminer aiment à rappeler le bon vivre s'il en était un, à travers leurs expériences culinaires.
Pour commencer sachez que l' ingrédient  plus important dans la cuisine des ex-pays de l' Est ce n’est pas le caviar ni la vodka,  mais l'humeur du cuisinier, il faut absolument finir son assiette et souvent ingurgiter les cinq plats de bases lors du repas et choisir une table contre un mur "Pour ne pas être surpris par-derrière" ???. Pour les auteurs la consommation de certains plats "peut avoir des répercutions sur un vie entière".
15 républiques plus loin, fort est de constater qu'il ne faut pas s'attendre à de la grande littérature, ni à des recettes de cuisine moléculaire. Mais simplement à deux-cent pages qui prêtent à sourire. Un petite aventure culinaire qui est loin des clichés et qui  nous en apprend beaucoup sur la pomme de terre. 
Un livre qui n’est pas indispensable, sauf pour se remplir l’estomac.


La cuisine totalitaire de wladimir et olga kaminer chez Babel 7.7€